Alimentaire : Eco-Score ou Planet-Score ? La bataille des indicateurs environnementaux est lancée
« Deux consommateurs sur trois ont déjà choisi un produit alimentaire grâce à son Eco-score favorable et, autant ont renoncé un achat pour les raisons inverses », glisse Caroline Vignaud, cheffe R & D de FoodCheri et Seazon, services de livraison de repas, en égrainant une liste de chiffres qui témoigneraient du lancement réussi de l’Eco-Score.
En janvier 2021, neuf acteurs de l’alimentation -Foodcheri et Seazon donc, mais aussi Yuka,Marmiton, l’épicerie en ligne bio La Fourche…- lançaient l’expérimentation de cet affichage environnemental sur une gamme de produits et plats cuisinés de leurs rayons.
400.000 produits et 100.000 plats et recettes avec un Eco-score
Soit donc une étiquette de plus à déchiffrer pour les consommateurs après le Nutri-score, apparu à partir de 2016 en France et qui informe sur la valeur nutritionnelle des produits alimentaires. L’Eco-score ne s’en inspire pas que par le nom, il en copie aussi le système d’annotation, avec des notes et des couleurs qui varient du A sur fond vert au E sur fond rouge en fonction de l’impact environnemental du produit. Un an plus tard, l’Eco-score a été calculé sur plus de 400.000 produits alimentaires, 100.000 plats et recettes. Pas seulement dans le catalogue des neuf fondateurs, mais aussi ceux d’enseignes de la grande distribution qui ont rejoint l’expérimentation en route. Comme Lidl et Carrefour cet été, ou encore Intermarché depuis cet automne. « Plus de 4 millions de personnes ont déjà consulté l’Eco-score et un consommateur sur cinq en a déjà entendu parler », assure le collectif en s’appuyant sur la dernière étude « Shopperscan » de l’Insitut Iri, société d’études de marché.
Un levier vers une consommation plus durable ?
C’était le premier objectif avec l’Eco-score. Être au plus vite connu et reconnu des consommateurs au point de devenir un levier de modification des comportements d’achat vers du plus durable. Avec l’espoir aussi d’entraîner les industriels dans le mouvement. Ils ont tout à y gagner à écouter Lucas Lefebvre, co-fondateur de La Fourche où 3.372 produits sont affichés avec un Eco-score. « La part des produits notés A a augmenté de trois points dans nos volumes de vente, passant de 20,80 % à 23,83 % », indique-t-il.
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L’enjeu est de taille alors que l’agriculture et l’alimentation représentent un quart de l’empreinte carbone des ménages, rappelle l’Agence de la transition écologique (Ademe). « En un an, on a montré la faisabilité d’un affichage environnemental, se félicite Shafik Asal, cofondateur du cabinet de conseil ECO2 Initiative, dans les neuf acteurs de l’alimentation qui ont lancé l’expérimentation. A grande échelle et tout de suite. » C’est-à-dire sans attendre l’aval de l’Etat qui, lui aussi, travaille à la création d’un étiquetage environnemental dans l’alimentaire et d’autres secteurs clés comme le textile. En février 2020, la Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) porte un coup d’accélérateur en ouvrant la voie à une expérimentation en vue d’élaborer un dispositif harmonisé. C’est-à-dire avec une seule et même méthode de calcul des impacts environnementaux de tous les produits alimentaires et un seul format d’affichage pour les consommateurs. Quelques mois plus tard, l’Ademe lançait un appel à candidatures en ce sens auquel dix-huit acteurs publics et privés avaient répondu à la clôture, le 31 mars dernier.
L’Eco-Score, pas seul en lice
Parti avec quelques mois d’avance, l’Eco-score a fini par se greffer à cette expérimentation. « Sur les dix-huit projets, la plupart se sont focalisés sur un enjeu précis -la prise en compte des différents modes d’élevage par exemple- et n’ont pas été jusqu’à élaborer une méthode complète de calcul des impacts environnementaux applicable à tous les produits alimentaires », explique Johanna Tourchaud, de Synabio, syndicat professionnel des entreprises alimentaires bio.
Il y a tout de même un autre projet qui a été aussi loin que l’Eco-score avec l’idée, justement, de ne pas lui laisser le champ libre. C’est le Planet-score, affiché à ce jour sur 3.000 produits alimentaires sur plusieurs sites e-commerce de grands distributeurs (Biocoop, Lidl, Naturalia…). Derrière, on trouve principalement l’Institut de l’Agriculture et de l’Alimentation biologiques (ITAB), ainsi qu’une longue liste de soutiens. Dont Synabio mais aussi le WWF, l’UFC-Que Choisir, ou encore Auchan qui vient de se rallier au Planet-score après avoir pourtant expérimenté son propre affichage environnemental – La Note Globale- en 2018.
Agribalyse et l’analyse du cycle de vie comme point de départ
Oui, oui il y a de quoi s’y perdre… D’autant plus, que l’Eco-score et le Planet-score ont des similitudes. A commencer par la façon de restituer la note globale. Du A sur fond vert foncé au E sur fond rouge. Le calcul des impacts environnementaux des produits part aussi, dans les deux cas, du même point de départ : Agribalyse, une base de données publique élaborée par l’Ademe et dans laquelle elle a mesuré l’impact environnemental de 2.500 produits alimentaires, en raisonnant en termes d’ Analyse de cycle de vie (ACV). « L’avantage de cette méthode est de chercher à quantifier les impacts environnementaux d’un produit de la fourche à la fourchette, détaille François Martin, directeur général de Yuka (team Eco-score donc). Elle prend donc en compte l’utilisation ou non de pesticides, la consommation d’eau nécessaire à la fabrication, le nombre de kilomètres parcourus jusqu’au consommateur et de nombreux autres facteurs encore. »
Dans Agribalyse, l’ACV est restituée sous la forme d’une note sur 100. Le travail est titanesque, mais a ses limites. « La note est calculée pour une famille de produits – des biscuits au chocolat par exemple- et ne distingue donc pas les différentes marques, poursuit François Martin. Certains impacts ne sont pas pris en compte également ou très peu. L’impact sur la biodiversité par exemple, ou la pollution plastique. »
A chacun sa méthode pour compléter Agribalyse
Il faut donc compléter Agribalyse. L’Eco-Score et Planet-score sont d’accord sur ce point, mais s’opposent sur la façon de le faire. Le premier ajoute à l’ACV par un système de bonus-malus à partir de nouveaux critères : « Les labels (pour mieux différencier les pratiques agricoles), l’origine des ingrédients utilisés, la recyclabilité du produit », liste le directeur général de Yuka.
Bien vu ? « Cette méthode ne permet pas de faire des différences intracatégorie, estime Johanna Tourchaud. Il faut aller plus loin dans la complexité, en reprenant directement certains ACV, c’est-à-dire en y ajoutant de nouveaux critères dans le calcul de la note sur 100. C’est ce que faite le Planet-score. » Une autre différence est sur l’affichage. L’Eco-Score restitue simplement la note globale. Un logo jugé simple, facile à identifier et facile à comprendre.
Trop ? « 72 % d’entre eux souhaiteraient ainsi obtenir davantage d’informations sur la méthodologie de calcul de ce score afin de mieux comprendre ses résultats », indiquait Carrefour, le 30 novembre, dans la restitution de deux études clients portant sur l’Eco-Score. Des précisions qu’apporte justement le Planet-Score. « En dessous de la note globale, on donne l’évaluation du produit dans trois sous-catégories : la biodiversité, les pesticides et le climat (impact carbone), reprend Johanna Tourchaud. Et on y ajoute encore une information sur le mode d’élevage. Ces précisions permettent de mieux comprendre la note globale mais assure également une plus grande transparence. »
Une méthode officielle attendue d’ici la fin de l’année ?
Une certitude : l’expérimentation pilotée par l’Ademe vise bien à aboutir à un seul dispositif harmonisé d’affichage environnemental. Ce ne devrait être ni tout à fait l’Eco-score, ni tout à fait le Planet-score, mais un mix des deux. Un rapport, tiré de l’analyse des dix-huit modalités d’affichage proposées en mars dernier et de travaux complémentaires, doit être remis au parlement mi-février, précise-t-on au ministère de la Transition écologique. « Il restera encore des mois de travail pour élaborer cette méthodologie harmonisée, prévoir un système de vérification, définir la gouvernance qui encadrera le dispositif…, indique Shafik Asal. La méthode officielle est attendue pour fin 2022 avec un déploiement espéré début 2023. « On fusionnera avec celui-ci lorsqu’il sera prêt et opérationnel », assure Shafik Asal. Coté Planet-score, on cite des lignes rouges que la méthodologie retenue par l’État ne devra pas franchir. « Les pesticides et le mode d’élevage devront être pris en compte à leur juste importance dans la méthode de calcul », glisse, par exemple, Johanna Tourchaud.